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Politique agricole

Boulangerie. «Le consommateur ne sera plus trompé»

Dès février, l’origine des pains et produits de boulangerie fine vendus en vrac dans les boulangeries, restaurants et le commerce de détail devra être indiquée par écrit. JOHN SCHMALZ, directeur du Cercle des agriculteurs de Genève et environs (CAGE), analyse les effets de cette nouvelle mesure.

John Schmalz, directeur du cercle des agriculteurs de Genève et environs.CAGE

Propos recueillis par Kalina Anguelova, Agir

Propos recueillis par Kalina Anguelova, Agir

31 janvier 2024 à 10:15

Temps de lecture : 3 min

Avec ce changement d’ordonnance, les céréaliers sont les grands gagnants?

Le premier gagnant est le consommateur qui ne sera plus trompé puisqu’il pourra désormais distinguer le pain et les articles de boulangerie suisses de ceux qui sont importés. L’importation des produits préfabriqués ou précuits utilisés dans la boulangerie, la restauration, l’hôtellerie ou le commerce est en hausse depuis des années. La farine ou le beurre, par exemple, sont protégés par des taxes importantes à l’importation, contrairement aux produits transformés qui ne sont que faiblement taxés. Les artisans boulangers locaux sont donc touchés par deux effets négatifs: d’abord le consommateur croit que ces produits sont suisses, ensuite les prix plus bas installent une situation de concurrence déloyale. Les céréaliers sont évidemment satisfaits par cette nouvelle mesure. Mais il s’agit davantage de limitation de la perte que d’augmentation de profit.

Vous êtes un des initiateurs de l’idée de traçabilité du pain, vous devez être très satisfait?

La bataille a été longue. Il y a de quoi être heureux! Je me suis attaqué au sujet à l’époque où le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann faisait campagne pour la sécurité alimentaire. Aujourd’hui, on parle beaucoup de développement durable, d’économie circulaire, de consommation locale… Mais avec un produit essentiel de base comme le pain, personne ne se pose vraiment la question de la provenance du produit. Un pain chaud, dans un restaurant ou une station d’essence, rime avec pain frais, donc local, pour le consommateur. Il ne se rend pas compte que son pain a fait 1000 km avant d’arriver dans son assiette.

Pourquoi s’attaquer à cette problématique de traçabilité?

Je dirige le Cercle des agriculteurs de Genève et environs (CAGE), une coopérative active dans le monde céréalier, et j’avais fait ce constat: la population suisse a augmenté d’un million de personnes en quinze ans. Dans le même laps de temps, la production nationale de céréales panifiables est restée stable (420 000 tonnes en moyenne de céréales par an), tout comme la consommation de pain, à savoir 50 kilos par personne par année. Il manque ainsi 50 millions de kilos de pain… On se rend bien compte de l’importance des importations qui n’ont cessé d’augmenter. Je me suis alors dit que ce n’était pas ainsi qu’on allait assurer la sécurité alimentaire du pays. À l’instar de la viande ou du poisson, pourquoi ne pas avertir par écrit d’où viennent le pain et les pâtisseries vendus en vrac?

Le chemin a été long pour arriver à ce changement d’ordonnance?

En septembre 2018, pendant la session des Chambres fédérales, nous avons organisé des dégustations de pain artisanal local sous la Coupole durant deux semaines. La première journée, 45 parlementaires sont venus nous écouter à nos stands… L’intérêt était bien là. Cette action a motivé le lancement d’une interpellation et de plusieurs motions pour, au final, aboutir à ce changement d’ordonnance. Mettre des taxes douanières supplémentaires sur les importations est impossible dans le cadre des accords bilatéraux. Mais se pencher sur la déclaration d’origine des produits était plutôt rassembleur.

Cette mesure a pris du temps pour aboutir, pourquoi?

De l’agriculteur à la grande distribution, la filière céréalière est composée de nombreux acteurs. Quand tout le monde a des intérêts communs, mais autant d’intérêts croisés, il est difficile d’arriver rapidement à un changement.

Le prix des produits risque-t-il de grimper?

L’impact du prix du blé sur le prix du pain n’excède pas 10% de la valeur du pain. Et on entend souvent, que lorsque le prix du blé augmente, le prix du pain aussi. Mais c’est un facteur de dix: si vous augmentez le prix du pain d’un franc, cela veut dire que le prix du blé a augmenté de dix francs… Or, cela n’arrive jamais.

Qu’espérez-vous de cette nouvelle mesure?

Dès le 1er février, lorsque les cartes des restaurants ou encore les étiquettes des produits de boulangerie fine proposés par les commerces afficheront les pays d’origine de leurs articles, j’espère qu’il y aura une prise de conscience de la part du consommateur.

L’application de la mesure va être contraignante pour les distributeurs. Êtes-vous certain que ce sera appliqué?

Je suis heureux que la mesure ait enfin été adoptée. Maintenant j’attends avec impatience qu’un contrôle sérieux l’accompagne.