Logo

Cultures

Suisse. La riziculture poursuit son expansion

Favorisée par le réchauffement climatique, la culture du riz continue de se développer en Suisse. Les Fribourgeois Léandre et Maxime Guillod, plus gros producteurs du nord des Alpes, tablent sur une récolte de près de 40 tonnes cette année dans leurs rizières du Vully et du Seeland.

Plants fraîchement repiqués dans la rizière La Sauge.Anja Gramlich, Agroscope

ATS

ATS

14 octobre 2024 à 13:25

Temps de lecture : 3 min

Les deux frères ont implanté leur première rizière en 2019 à Lugnorre (FR), puis une seconde il y a deux ans à Kappelen (BE). Ils font partie des premiers producteurs suisses qui, à l’initiative d’Agroscope, se sont lancés dans la riziculture dite inondée. Jusqu’ici, seule la riziculture sèche se pratiquait au Tessin.

«Nous avons tout appris sur le tas. Nous nous inspirons beaucoup de ce qui se fait à l’étranger, mais le climat suisse ne correspond pas forcément aux autres. On ne peut pas faire un copier-coller», explique Léandre Guillod, ingénieur agronome de métier, interrogé par Keystone-ATS. «Étant situé au-delà du 46e parallèle, le Plateau suisse reste une région assez extrême pour le riz», reconnaît-il.

Face à ces défis, la clé consiste à diversifier la production. Les deux frères cultivent du riz sur 11 hectares, 6 à Lugnorre et 5 à Kappelen. La moitié de cette surface est consacrée au riz Loto, la variété offrant le plus de garanties. «Sur l’autre moitié, nous cultivons des spécialités. On a du riz noir, du riz rond japonais, du riz jasmin ou encore une variété spéciale risotto», poursuit Léandre Guillod.

Chaleur et eau

La récolte devrait atteindre près de 40 tonnes en 2024, soit 10 de plus que l’an dernier. «Toutes les variétés ont fleuri dans des conditions optimales», se réjouit-il. «Nous étions un peu inquiets avec le froid de juin et de début juillet. La culture a ainsi pris du retard, mais cela a ensuite été rattrapé.»

En Suisse, le climat reste l’un des principaux obstacles à la culture du riz, qui pousse uniquement au-dessus de 20 degrés. L’eau est l’autre composante essentielle. Léandre et Maxime Guillod disposent d’une concession leur permettant de pomper de l’eau dans le canal de la Broye pour inonder artificiellement les champs. La hauteur de l’eau doit atteindre 2 centimètres au moment de la plantation, et jusqu’à 15 centimètres en juillet.

«En plus de permettre au riz de croître, l’eau joue un rôle de tampon thermique en gardant une certaine chaleur pendant la nuit», détaille l’ingénieur agronome. «Le riz doit fleurir début août, une période où il fait encore assez chaud. S’il a du retard et qu’il fleurit en septembre, la récolte est compromise.»

Les deux frères tiennent à tout faire eux-mêmes, même si les défis ne manquent pas: dénicher les machines appropriées, lutter contre les mauvaises herbes - notamment le millet -, planter le riz plutôt que de le semer et s’adapter aux spécificités du terrain et du climat helvétique.

Écologie et productivité

Léandre Guillod souligne que si ses rizières ont pu voir le jour, c’est aussi grâce au soutien d’Agroscope, la station fédérale pour la recherche agronomique et alimentaire. «Quand Agroscope a lancé le projet, nous leur avons dit que cela devait être rentable, que cela ne devait pas être juste expérimental et subventionné. Sinon, cela ne fonctionnerait jamais», raconte Léandre Guillod.

Aujourd’hui, l’objectif a été atteint pour les deux producteurs fribourgeois. Ils ne proposent certes pas leur riz en grandes surfaces, mais en ligne ainsi qu’en vente directe. «La vente est un sacré challenge, d’autant plus lorsqu’on ne travaille pas avec les grands distributeurs. Mais on a des petits revendeurs dans toute la Suisse, de Genève à Saint-Moritz», se satisfait Léandre Guillod. «Le but est de garder un lien avec le consommateur. On propose un produit qui a une histoire», remarque-t-il.

Le projet de Léandre et Maxime Guillod revêt également un aspect écologique. «Avec Agroscope, nous voulions recréer des zones humides favorables à la biodiversité tout en les maintenant productives», note le Fribourgeois. Aujourd’hui, la rizière regorge de libellules - plus de vingt espèces y ont été recensées - et héberge de nombreuses grenouilles, des oiseaux lunicoles, des tritons ou encore des couleuvres.

Le désherbage manuel facilite la prolifération de ces espèces, les cultivateurs n’utilisant aucun produit phytosanitaire. D’ailleurs, en plus d’Agroscope, le Centre ornithologique de Sempach travaille sur les rizières des frères Guillod, notamment pour offrir un habitat au vanneau huppé, un oiseau menacé en Suisse.