Législation. Dix mesures pour moderniser le droit foncier rural
Le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de révision partielle de la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) vendredi 27 septembre. Il espère consolider le principe de l’exploitation à titre personnel, la position des époux et l’esprit d’entreprise des domaines agricoles.
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1 octobre 2024 à 10:31
Un projet de révision partielle de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR) est en consultation depuis le vendredi 27 septembre. Les adaptations prévues entendent répondre à trois objectifs qui consistent à consolider le principe de l’exploitation à titre personnel, la position des époux, ainsi que l’esprit d’entreprise des exploitations agricoles.
L’OFAG a présenté les mesures lors d’une conférence, lundi 30 septembre. Ce sont Christian Hofer, directeur de l’Office fédéral de l’agriculture, et Bernard Belk, responsable de l’Unité de direction des paiements directs et du développement rural, qui se sont exprimés.
À l’origine du projet: la motion 22.4253 de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États du 10 octobre 2022, qui demandait le découplage du droit foncier rural de la mise en œuvre de la Politique agricole à partir de 2022 (PA22+), et qui a chargé le Conseil fédéral de préparer, d’ici à la fin de l’année 2025, un projet de révision partielle de la LDFR.
Trois objectifs, dix mesures
Lorsqu’elle a été mise sur pied, la LDFR poursuivait plusieurs objectifs, comme l’indique l’OFAG: «Axée sur l’exploitation familiale, la LDFR a pour but d’encourager la propriété foncière agricole comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que de préserver et d’améliorer les structures. Cette loi vise en outre à renforcer la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, mais aussi à lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles».
Mais depuis son entrée en vigueur, le milieu agricole a beaucoup évolué. «Déjà il y avait plus de 100 000 exploitations, aujourd’hui il y en a moins que 50 000 en Suisse. La taille et les modes de production ont aussi évolué, de même que l’organisation à la tête de ces structures. C’est pourquoi, il est nécessaire de procéder à certaines adaptations pour que les buts de cette loi puissent continuer à être atteints», relève Christian Hofer.
Le projet de révision poursuit trois objectifs, compris dans 10 mesures. «Trois objectifs pour lesquels il y a un certain niveau d’urgence», souligne le directeur. La procédure de consultation court jusqu’au 10 janvier 2025. Le Conseil fédéral devrait ensuite publier son message dans le quatrième trimestre de l’année 2025.
Exploitation à titre personnel
Le premier objectif consiste en un renforcement du principe de l’exploitation à titre personnel. Est considéré comme tel quiconque cultive lui-même les terres ou dirige personnellement une entreprise agricole. Dans la LDFR, il a été défini que seul un exploitant à titre personnel peut acquérir des immeubles agricoles. Mais aujourd’hui, la transmission dans le cadre familial ne va plus de soi et certaines entreprises ou immeubles agricoles sont repris par des tiers qui ne les exploitent pas directement. «Une première mesure consiste à mieux définir quelles sociétés morales ou juridiques sont considérées comme étant exploitantes. Actuellement, dans la loi c’est assez ouvert, assez flou. De ce fait, c’est souvent réglé au cas par cas ou par des arrêtés du tribunal fédéral», souligne Bernard Belk.
Il est proposé que les sociétés morales reconnues comme exploitants à titre personnel soient les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée. «Et les exploitants de ces sociétés devront détenir au minimum 75% du capital et des votes. C’est un changement conséquent par rapport au texte actuel qui demande une majorité, soit 51% seulement», précise le responsable de l’OFAG.
Une deuxième mesure souhaite définir des charges et des conditions lors de l’acquisition d’immeubles et donner la possibilité aux autorités compétentes de retirer une autorisation en cas de non-respect de ces consignes. «Au moment de l’achat, on procède à des contrôles pour définir si la personne va exploiter elle-même mais les années suivantes, il n’y a plus de vérification. Avec notre proposition, nous aimerions, par exemple, que l’autorisation soit retirée si la personne n’arrive pas à prouver qu’elle exploite elle-même», explique Bernard Belk.
La troisième mesure concerne les projets de revitalisation ou de protection des crues. Actuellement, les communes ou cantons qui achètent les terres dans ce cadre-là n’ont pas besoin de demander une autorisation d’acquisition et l’OFAG souhaite que cela change. «Cela doit permettre d’éviter que ces terres puissent être achetées au-dessus du prix licite puisque ce dernier ne doit en effet pas nécessairement être respecté lorsqu’il n’y a pas besoin d’une autorisation. On souhaite ainsi donner la possibilité aux agriculteurs de proposer une reprise», relève le spécialiste qui ajoute: «Actuellement, si un oiseau protégé se sent bien et vient nicher sur une terre agricole, les ONG pourraient l’acheter. À l’avenir, nous aimerions qu’elles ne puissent le faire que pour des objets d’importance nationale. Et celui qui souhaite acquérir le terrain devra prouver qu’il le protège mieux que si c’était l’agriculteur».
Position des conjoints
Le deuxième objectif vise à renforcer la position des conjoints. Une première mesure consiste à accorder au conjoint un droit de préemption à la valeur de rendement, pour autant que celui-ci puisse prouver qu’il exploitera lui-même l’entreprise agricole. Ce droit de préemption sera placé au deuxième rang, après celui des descendants exploitant à titre personnel.
La deuxième mesure concerne la charge maximale ou la limite d’endettement. «Actuellement, en cas de litige ou de divorce, il n’y a pas la possibilité de dépasser la charge maximale pour créer une hypothèque additionnelle et financer une créance matrimoniale. Une demande d’autorisation est nécessaire pour dépasser cette charge et nous souhaitons l’abolir», explique le responsable de l’OFAG.
Et la troisième mesure prévoit de fixer la durée d’amortissement du prix de reprise d’exploitations agricoles en fonction de l’investissement (dix ans pour les installations fixes, vingt ans pour les bâtiments et vingt-cinq ans pour les immeubles).
Esprit d’entreprise
Le projet prévoit encore quatre mesures pour améliorer la performance entrepreneuriale des exploitations. Pour la première, il s’agit d’augmenter la charge maximale des immeubles agricoles en faisant passer la majoration de 35 à 50% de la valeur de rendement (de 135 à 150%). «Ce n’est pas un changement massif, mais il est nécessaire. Au fil du temps, il y a eu de l’inflation et il faut adapter cette charge pour que l’on puisse créer des hypothèques plus facilement, sans avoir besoin de faire des demandes d’autorisation», souligne Bernard Belk. La deuxième mesure serait de pouvoir donner un droit de superficie aux fermiers pour des constructions et des plantations sur des immeubles affermés.
La troisième mesure concerne les grandes exploitations agricoles, avec une possibilité de les démanteler ou diviser. L’idée est d’offrir une plus grande marge de manœuvre dans la transmission de ces grandes structures. «Mais il y a une condition extrêmement importante, c’est le respect de la Loi sur l’aménagement du territoire. Une exploitation divisée en deux doit aussi comporter deux centres d’exploitation, sans qu’il n’y ait besoin d’en construire un», précise le responsable.
La dernière mesure prévoit que les grandes entreprises agricoles qui emploient plusieurs personnes puissent acquérir des immeubles agricoles situés dans la localité. Toujours avec la condition que les acquéreurs exploitent eux-mêmes l’entreprise. «L’immeuble nouvellement acquis peut toutefois être exploité par les employés de l’entreprise.»
Autres changements
Autres propositions du projet annoncées par Christian Hofer: inscrire dans la loi la définition de la valeur de rendement agricole et attribuer au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) la compétence pour la LDFR et la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA), qui incombait jusqu’ici au Département fédéral de justice et police (DFJP).