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Suisse

Retraites. L’économie divisée sur la réforme du 2e pilier

La campagne pour la réforme du 2e pilier est relancée: en plus de la gauche, le projet soumis en votation le 22 septembre est désormais combattu également par une alliance de huit associations économiques, dont les faîtières des boulangers-confiseurs et des professionnels de la viande.

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ATS

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5 août 2024 à 16:29

Temps de lecture : 3 min

«Au lieu de remettre la prévoyance professionnelle sur les rails du principe de l’épargne, la réforme proposée remplace une redistribution par une autre. Elle provoque de mauvaises incitations contre l’épargne, et plus de bureaucratie», dénonce lundi l’alliance économique «Non à la réforme manquée de la LPP», menée par Gastrosuisse et le Centre patronal, en Suisse romande.

Cette coalition comprend également les faîtières des coiffeurs, des boulangers-confiseurs, des professionnels de la viande, des stations-service et des centres de fitness et de santé, ainsi que Cafetier Suisse.

Un projet qui «rate sa cible»

Pour l’alliance, le projet rate sa cible. «Au final, les assurés financent la redistribution et les coûts supplémentaires superflus avec leurs cotisations d’épargne», avertit la conseillère aux Etats Esther Friedli (UDC/SG), membre du Conseil de GastroSuisse, citée dans le communiqué.

La réforme adoptée par le Parlement en mars 2023 vise à assurer les rentes à long terme. Elle prévoit une baisse du taux de conversion minimal dans la prévoyance professionnelle obligatoire de 6,8% à 6%. Ce qui signifie qu’un capital de 100 000 francs donnera droit à une rente de 6000 fr., au lieu de 6800 francs.

Pour éviter dans la mesure du possible une diminution des rentes futures, le Conseil fédéral et le Parlement ont prévu des mesures de compensation. Des suppléments de rentes sont prévus pour la génération transitoire.

Suppléments «mal calibrés»

Pour les huit associations, toutefois, ces suppléments sont mal calibrés et répartis de manière inéquitable. Ils désavantagent notamment ceux qui ont épargné toute leur vie sans interruption dans la prévoyance professionnelle. La réforme péjore aussi la situation des personnes qui sont déjà aujourd’hui parties à la retraite avec un taux de conversion plus faible.

Pour faire connaître ses positions, l’alliance a mis en ligne un argumentaire et des visuels sur un nouveau site web. Elle diffusera principalement des annonces en ligne et de la publicité sur les canaux numériques, a-t-elle indiqué à Keystone-ATS. Elle publiera aussi des annonces dans les journaux «papier». Son budget s’élève à 350 000 francs.

Ces huit organisations sont en porte-à-faux avec economiesuisse et l’Union patronale suisse (UPS) qui s’engagent pour un «oui» le 22 septembre, estimant que le projet permet de combler une lacune importante dans les rentes des employés à temps partiel et des bas revenus.

Démarche «exceptionnelle»

L’engagement de ce nouveau comité réjouit l’Union syndicale suisse (USS), à l’origine du référendum contre la réforme de la LPP. Cette démarche est «exceptionnelle», a déclaré son porte-parole Urban Hodel.

Selon lui, les arguments des deux comités opposés à la réforme sont certes différents, mais le message principal reste le même: «avec cette réforme, on paie plus et on reçoit moins», ce projet n’atteint pas ses objectifs.

Cette alliance économique rassemble des branches qui sont particulièrement touchées par la réforme de la LPP, ajoute Urban Hodel. «C’est chez elles que les coûts et les pertes de revenus sont les plus grands pour les employés», a-t-il dit, critiquant un «mauvais projet».

Divergences «normales»

Le politologue Urs Bieri, de l’institut gfs.bern, n’est pas surpris par l’apparition de cette nouvelle alliance, qui montre que l’économie est divisée sur ce sujet. «L’économie n’existe pas», dit-il.

Les personnes concernées par la réforme sont tellement différentes qu’il fallait s’attendre à des positions divergentes au sein de l’économie. «C’est un discours normal, comme il y en a toujours», dit-il.

Urs Bieri rappelle que le monde paysan s’est régulièrement distingué du reste de l’économie sur le commerce international ces dernières années. Ou qu’il y a depuis longtemps des vues différentes sur l’Europe.

Dans les paquets de réformes complexes et importants, comme celle de la LPP, il y a de nombreuses raisons d’être critiques. «Plus il y a de choses dans un paquet, plus il y a de résistances», dit-il. Mais dans le même temps, un paquet peut aussi augmenter les chances de trouver un compromis, comme l’a montré la réforme fiscale des entreprises liée à l’AVS (RFFA) acceptée en votation en 2019.