François Monin, Directeur d’Agrijura, direction@agrijura.ch
8 novembre 2024 à 15:15, mis à jour à 15:17
Les prix rémunérateurs sont le socle de survie de nos producteurs. Si nous avons l’habitude de débattre vigoureusement des mesures de politique agricole, ce sont bien les prix à la production qui soutiennent directement les revenus du secteur primaire. Les objectifs, formulés clairement en début d’année, doivent guider notre action à court, moyen et long terme.
Légères, les adaptations obtenues sur les marchés par les filières ne sont pourtant pas à la hauteur des attentes. Les tentatives de hausse substantielle des prix se heurtent souvent aux effets des flux de marchandises et à une protection douanière poreuse. À titre d’exemple, si le prix des céréales indigènes augmentait trop brusquement, nous risquerions malheureusement de voir les produits importés précuits gagner en compétitivité. Les céréales importées pourraient même remplacer la matière première indigène via le trafic de perfectionnement. Si des prix plus élevés favoriseraient les agriculteurs, ce serait au prix de pertes de volumes importantes. Le revenu, produit des quantités multipliées par les prix, en souffrirait. Cette réalité vaut pour d’autres productions comme le lait, le sucre ou les oléagineux.
Le protectionnisme fait son retour, et avec lui un recul du multilatéralisme. En dehors du secteur primaire, les surtaxes de 10% annoncées sur les produits industriels par le président américain nouvellement élu, ou celles de 35% sur les voitures électriques chinoises en Europe, bouleversent récemment les politiques économiques. Si l’agriculture suisse n’a rien à gagner d’un blocage complet des frontières – nous devons bien accéder aux marchés pour exporter nos produits d’excellence à haute valeur ajoutée –, des ajustements ciblés sont cruciaux. Ni le renforcement des producteurs ni les seules négociations de filières ne suffiront.
La protection aux frontières demeure le moyen le plus efficace pour atténuer la concurrence accrue due aux importations. Elle constitue le rempart ultime pour les producteurs face aux stratégies de baisse des prix annoncées par les distributeurs de ce pays. La politique agricole 2030, actuellement en discussion à Berne, doit impérativement intégrer des ajustements aux portes d’entrée de notre pays. Protéger ponctuellement, c’est garantir l’avenir de nos filières rémunératrices!