France. Les agriculteurs français toujours mobilisés, l’UE pointée du doigt
Les blocages d’agriculteurs s’amplifient mercredi 31 janvier en France malgré les tentatives du gouvernement d’éteindre ce mouvement de colère rural. La grogne s’étend en Europe et cible notamment les politiques de l’UE.
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ATS
31 janvier 2024 à 11:45, mis à jour à 11:45
Le mouvement, qui a également gagné l’Espagne ou l’Italie, est particulièrement fort en France où, depuis lundi, des agriculteurs bloquent avec leurs tracteurs plusieurs axes autoroutiers menant vers Paris, provoquant une nouvelle crise un an après la très contestée réforme des retraites.
Mercredi 31 janvier au matin, les tracteurs continuaient aussi leur progression pour encercler Lyon. Plus au nord, un convoi d’agriculteurs partis du Sud-Ouest se dirige, lui, vers le marché de produits frais de Rungis, le plus grand au monde, qui alimente la région parisienne.
"Des prix rémunérateurs"
Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, notamment des produits ukrainiens, flambée des prix du carburant: les revendications en France se retrouvent dans la plupart des pays européens confrontés au mécontentement agricole.
"On ne veut pas forcément être bercés aux aides, on veut surtout des prix rémunérateurs", a déclaré Johanna Trau, céréalière et éleveuse mobilisée dans l’est de la France, sur un des un des "100 points de blocage" recensés par les autorités.
Malgré des mesures de soutien, dont l’abandon de la taxe sur le gazole non-routier et une aide de 80 millions d’euros pour les viticulteurs, le gouvernement n’a pour l’heure pas réussi à éteindre l’incendie et tente de se mobiliser également sur le front européen.
Contre l’accord avec le Mercosur
Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau se rend à Bruxelles pour évoquer des "urgences européennes". Paris a décidé d’engager un "bras de fer" avec la Commission européenne pour s’opposer à l’accord commercial actuellement négocié avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).
Ce traité de libre-échange avec d’importants pays agricoles "n’est pas bon pour nos éleveurs et ne peut pas, ne doit pas être signé en l’état", a affirmé le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire sur CNews.
Paris avait déjà affiché haut et fort son opposition à la conclusion de cet accord commercial, provoquant des tensions avec la Commission européenne qui est en charge des négociations commerciales pour les Vingt-Sept.
Le président Emmanuel Macron, qui se refuse à "tout mettre sur le dos de l’Europe" mais promet de défendre plusieurs revendications des agriculteurs français à Bruxelles, doit s’entretenir jeudi 1er février avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, en marge d’un sommet européen consacré à l’aide à l’Ukraine. Bruxelles a déjà esquissé des concessions sur la question des mises en jachère obligatoires.
"Faire pression"
Le mouvement de colère s’étend sur le continent: après des manifestations en Allemagne, en Pologne, en Roumanie, en Belgique et en Italie ces dernières semaines, les trois principaux syndicats agricoles espagnols ont annoncé des "mobilisations" dans l’ensemble du pays au cours des "prochaines semaines".
Des manifestations improvisées se sont aussi déroulées ces dernières semaines en Italie, où des dizaines d’agriculteurs se disant "trahis par l’Europe" ont protesté avec leurs tracteurs près de Milan.
Le gouvernement grec, également confronté à une contestation grandissante du monde agricole, a promis d’accélérer le versement des aides financières aux agriculteurs victimes de graves inondations l’an dernier.
La nouvelle PAC, qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales, et les législations du Pacte vert européen (ou "Green Deal") - même si elles ne sont pas encore en vigueur - cristallisent la colère.
La France est la première bénéficiaire des subventions agricoles européennes, avec plus de 9 milliards d’euros par an, mais ses paysans dénoncent une PAC déconnectée du terrain. Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a assuré qu’il devait y "avoir une exception agricole française" et promis que le gouvernement serait "au rendez-vous" pour répondre à la crise.