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Edito

À mes souvenirs


Daniela Allemann-Gerber, Secrétaire générale de la Chambre d’agriculture du Jura bernois, info@cajb.ch

Daniela Allemann-Gerber, Secrétaire générale de la Chambre d’agriculture du Jura bernois, info@cajb.ch

6 décembre 2024 à 08:09, mis à jour à 08:09

Temps de lecture : 2 min

Petite, la ferme était un véritable paradis. Je garde en mémoire ces moments partagés avec ma mère dans la cuisine, entre bricolages et recettes improvisées, et ces instants privilégiés avec mon père, accompagnant la traite des vaches. Le bruit de la machine à traire résonnait comme un rythme familier et apaisant. Entre blagues et histoires, nous faisions notre routine, puis je le suivais jusqu’à la fromagerie du village. Mon grand-père, lui, dans son grand tablier brun, nettoyait chaque matin les queues des vaches avec minutie; l’odeur des produits de nettoyage, la vapeur de l’eau en hiver, sont restées gravées en moi. Pour lui, la propreté et l’allure des bêtes faisaient partie de la fierté du métier.

J’adorais nourrir les petits veaux, m’octroyant au passage quelques bouchées de lait en poudre… Des souvenirs tendres et simples. À cet âge, l’envers du décor m’échappait encore.

Puis, avec les années, la réalité m’a rattrapée. Il y a eu cette bactérie qui a surgi de nulle part, contaminant le lait et obligeant à jeter toute la production. Je revois encore mon père, d’ordinaire si fort, soudainement ébranlé, et ma mère, privée de son sourire habituel. Heureusement, je n’étais plus à leur charge financièrement, mais cette épreuve a profondément marqué notre famille.

En 2014, le second coup dur est tombé. Mon père a pris la décision d’arrêter la production laitière, un choix difficile mais inévitable. Le camion est venu embarquer tout le cheptel, et soudain, l’écurie s’est vidée, comme une âme qui s’en allait. Le silence a remplacé le bruit des machines, et une lourdeur écrasante a enveloppé la ferme. Je ne lui en ai jamais voulu; je respecte sa décision. À cet instant, j’ai saisi toutes les contraintes de ce métier – l’administratif, les nuits blanches, le poids constant. Oui, il est temps que les choses changent, car ce métier si noble et essentiel ne devrait pas s’accompagner de tant de souffrances.

Aujourd’hui, j’essaie de transmettre cette passion à mes enfants, leur montrant que si tout n’est pas rose, rien n’est complètement noir non plus. La relève est précieuse, et je suis fière de voir ces jeunes qui choisissent encore la voie de l’agriculture, prêts à poursuivre l’histoire.

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