Loïc Bardet, directeur d'Agora
18 octobre 2024 à 07:00, mis à jour le 30 octobre 2024 à 16:19
Version moderne du mythe de Sisyphe, le film Un jour sans fin voyait l’acteur Bill Murray recommencer indéfiniment la même journée. En matière de votations populaires suisses, force est de constater que la réalité est peut-être en train de dépasser la fiction. En effet, à peine le scrutin du 22 septembre terminé que le Conseil fédéral annonce que l’initiative «Pour la responsabilité environnementale» des Jeunes Verts sera au menu du 9 février 2025.
Après le 13 juin 2021 (pesticides), le 25 septembre 2022 (élevage) et le 22 septembre 2024 (biodiversité), voilà donc une nouvelle votation où nous risquons de connaître les mêmes oppositions gauche-droite, villes-campagnes avec, espérons-le, le même rejet. Toutefois, rien n’est gagné, car que ce soit dans les milieux économiques ou agricoles, cette initiative a encore été peu thématisée. De plus, la première date de votation de l’année est toujours la plus compliquée à gérer en raison de la période de l’Avent. Ça n’est ainsi pas étonnant que, sur les quatorze initiatives populaires acceptées depuis l’an 2000, la moitié ait été votée lors du premier scrutin de l’année. Enfin, comme il n’y a pas d’autre objet en votation, il existe un risque non négligeable de surreprésentation de l’électorat écologiste.
Pour en venir au texte lui-même, celui-ci exige que, dans un délai de dix ans, les «activités économiques ne [puissent] utiliser des ressources et émettre des polluants que dans la mesure où les bases naturelles de la vie sont conservées». Il précise que ceci «s’applique notamment au changement climatique, à la perte de la diversité biologique, à la consommation d’eau, à l’utilisation du sol et aux apports d’azote et de phosphore». Il s’agirait par exemple de diminuer par deux les apports d’engrais et l’utilisation d’eau. L’impact sur la production agricole indigène serait donc énorme et cette initiative doit être fermement rejetée.
Indépendamment du sort que connaîtra cette initiative, nous savons d’ores et déjà qu’elle ne sera pas la dernière. De ce fait, il y a peut-être un parallèle à tirer avec Un jour sans fin où, après avoir sombré dans la lassitude, Bill Murray finit par développer une stratégie lui permettant de sortir de la boucle temporelle, notamment en osant parler de sa réalité et en l’utilisant à bon escient. À notre modeste échelle de défense professionnelle agricole, ceci passe probablement par un renforcement de la communication grand public ainsi que des propositions pragmatiques, mais innovantes dans le cadre de la future PA2030.
-> Édito paru dans notre édition papier du 18 octobre 2024.