Musée. À Moudon, une exposition remet la vache au cœur du paysage
La vache s’invite au musée à Moudon (VD). Une exposition vivante et engagée qui explore son rôle entre tradition, art, agriculture et société. De quoi réjouir rats des champs et rats des villes.
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14 avril 2025 à 13:57, mis à jour le 16 avril 2025 à 13:51
Cloche au cou, la tête ornée d’un sapin, une dizaine de vaches ont gravi les pavés de la ville haute de Moudon (VD). Leur arrivée sonore est venue perturber – avec un brin de poésie – les discours d’ouverture du vernissage de l’exposition «Amour Vache – À la vie, à la mort».
Le vendredi 11 avril, sous un grand ciel bleu, une centaine de personnes se sont rassemblées pour découvrir ce projet ambitieux, réparti entre le musée Eugène Burnand et le musée du Vieux Moudon.
Plus qu’un simple hommage à l’animal emblématique des paysages suisses, l’exposition se veut une réflexion collective sur les multiples rôles de la vache dans notre société. «L’idée, c’était de remettre la vache au milieu du village», a expliqué Carole Pico, syndique de Moudon.
«Présente dans nos fermes, nos collections muséales, nos récits, elle incarne à la fois la stabilité et, aujourd’hui, un objet de débats. C’est justement cette évolution que nous avons voulu explorer. »
Des œuvres naturalistes à découvrir
D’un côté, les œuvres naturalistes d’Eugène Burnand, artiste vaudois du XIXe siècle, offrent une vision rigoureuse et fidèle de l’animal. «Burnand était un protestant extrêmement rigide. Il soutenait que si une vache a une tache sur le nez, «Dieu l’y a mise, il faut donc que je la peigne», a commenté l’historien Justin Favrod lors d’une visite exclusive.
Ces tableaux, parfois issus de collections privées, côtoient les bottes-cul iconiques de Pierre Keller, regretté directeur de l’École cantonale d’art de Lausanne. Des capsules vidéos réalisées pour l’occasion, avec des figures telles que le producteur laitier Jean-Luc Chollet ou l’écrivain Blaise Hofmann, viennent enrichir la visite.
À quelques pas de là, le musée du Vieux Moudon offre un contrepoint plus concret: on y parle transformation des matières premières, transmission des savoir-faire agricoles et qualité des sols.
C’est aussi cette pluralité que la directrice du pôle muséal, Sarah Besson-Coppotelli, a voulu valoriser. «C’est la première fois qu’une exposition de cette envergure est montée à Moudon. Cela montre que si l’on donne les moyens à la culture, elle peut rayonner bien au-delà de notre région.»
La vache, modèle de circularité
Pour Anne Challandes, présidente de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales, la vache n’est pas seulement un motif artistique, mais aussi une alliée du quotidien. «Elle façonne nos alpages, transforme l’herbe – qui compose 80% de sa ration – en lait, en viande, en fumier. Elle est un modèle de circularité.»
Elle rappelle aussi l’importance des femmes dans le monde agricole: un tiers de la main-d’œuvre agricole suisse, dont 3500 femmes cheffes d’exploitation. «Leurs contributions sont essentielles, et pourtant encore trop invisibles ou peu reconnues.»
«La vache est un pilier de notre paysage, de notre économie et de notre culture», a lancé Valérie Dittli, conseillère d’État vaudoise, qui a rappelé l’importance d’un élevage durable et d’une consommation plus consciente. «Comme le dit Blaise Hoffmann, le fumier, c’est le levain de la terre, ce qui explique bien pourquoi nous avons tant besoin des vaches.»
Les chants d’un quatuor d’armaillis ont rythmé la soirée, accompagnés par le doux tintement des cloches.